Christ lag in Todes Banden (BWV 4) – Bach

Jean-Sébastien Bach

Le texte de la cantate suit stricto sensu le poème d'un cantique adapté du Victimæ paschali laudes, poème du XIème siècle attribué au chapelain Wipo de Bourgogne.
Dans cette œuvre de jeunesse qui est une des toutes premières (mais célèbre) cantates qu'il ait composées, Bach a utilisé dans les sept différents mouvements pour voix les paroles inchangées des sept strophes du choral et utilisa, tout au long de la pièce, l'air du Victimæ (son motif mélodique d'origine) comme cantus firmus (littéralement « chant ferme », comme une colonne vertébrale autour de laquelle tout s'ordonne).

Bach composa tôt cette cantate chorale, entre 1707 et 1708. Il s'agit peut-être d'une pièce de démonstration - elle se déroula le dimanche de Pâques 1707, le 24 avril - pour obtenir le poste d'organiste à Mühlhausen auquel il sera nommé le 29 juin 1707. Si tel n'est pas le cas, cette cantate est alors jouée pour le dimanche de Paques 1708, le 8 avril. Pour cette destination liturgique, deux autres cantates ont franchi le seuil de la postérité : les BWV 31 et 249 (Oratorio de Pâques). Il était encore dans sa vingtaine, amoureux de sa cousine Maria Barbara Bach qu'il épousera en octobre 1707, sept ans avant la série des cantates de Weimar commencée en 1714 avec Himmelskönig, sei willkommen, (BWV 182), et quinze ans avant qu'il ne commence un cycle annuel de cantates à Leipzig au milieu de l'année 1724. Comme seules des copies de la période de Leipzig ont été préservées, la date de la première représentation nous est inconnue.

La pièce est écrite pour quatre solistes (soprano, contralto, ténor, basse), deux violons, deux altos et basse continue. Cette cantate a été révisée pour son exécution à Leipzig en 1724 et 1725, avec l'ajout d'un cornet et de trois trombones jouent colla parte avec les voix. Le choral final a été ajouté pour l'exécution de 1725. Les parties vocales peuvent être chantées par les solistes ou le chœur puisque l’œuvre est un « Choralkonzert » (concerto choral) dans le style du XVIIème siècle alors que Bach n'a composé de cantates religieuses avec récitatifs et arias qu'à partir de 1714.

La cantate commence avec une sinfonia instrumentale qui introduit la première ligne de la mélodie. Les sept strophes sont traitées en sept mouvements comme autant de variations chorales « per omnes versus » avec la mélodie toujours présente en tant que cantus firmus. Les cordes se divisent en cinq parties, deux violons, deux altos et continuo. La séquence des sept strophes montre une symétrie : chœur – duo – solo – chœur – solo – duo – chœur. À la différence des autres cantates ultérieures de Bach, tous les mouvements sont en mi mineur. Toutes les strophes se terminent sur les mots Alléluia. John Eliot Gardiner définit la disposition qu'a faite Bach de l'hymne de Luther d'« audacieuse et innovante pièce de dramma musica » et observe la façon dont « Bach utilise des racines musicales médiévales » et « sa totale identification à l'esprit et à la lettre du fougueux et dramatique hymne de Luther ». Bach suit « l'idéal de Luther dans lequel la musique donne vie au texte ». Julian Mincham remarque : « La variété des idées et la portée de l'inventivité est incroyable mais elle ne masque jamais la présence du choral ».

La première strophe est traitée comme une fantaisie chorale. La soprano chante le cantus firmus en longues notes dépouillées tandis que les voix plus basses chantent un contrepoint libre. Une figure des violons est connue sous le nom de « suspiratio », sanglots qui rappelle « les souffrance du Christ à l'approche de la mort ».

La deuxième strophe est un duo entre la soprano et l'alto, Den Tod niemand zwingen kunnt (« personne ne peut vaincre la mort ») ; elle traite de l'« humanité impuissante et paralysée alors qu'elle attend le jugement de Dieu sur le péché ». La musique est presque suspendue sur les premiers mots, den Tod (la mort) tandis que le mot gefangen (« emprisonné ») est marqué d'une forte dissonance de la soprano et de l'alto.

Dans la troisième strophe, les ténors sont accompagnés par deux violons obligés. Les violons démontrent comment le Christ cingle les ennemis. La musique s'arrête complètement sur le mot nichts (« rien »). Les violons présentent alors en quatre notes les contours de la croix et font enfin des prouesses dans un concerto festif auquel les ténors ajoutent leur joyeux « Halleluja ».

La quatrième strophe Es war ein wunderlicher Krieg, da Tod und Leben rungen (« C'était une guerre impressionnante quand la vie et la mort luttaient ») est chantée par quatre voix accompagnées du seul continuo. L'opposition entre la vie et la mort est dépeinte comme une scène de Jérôme Bosch selon Gardiner : Bach fait chanter le cantus firmus par les altos alors que les autres voix se suivent d'abord mutuellement dans une « strette fuguée » avec des entrées échelonnées d'un temps mais disparaissent l'une après l'autre, « comme dévorées et réduites au silence ». Dans l'Halleluja final des quatre voix, la basse descend de près de deux octaves.

La cinquième strophe est chantée par les basses seules d'abord accompagnées par une ligne chromatique descendante du continuo. Le choral est repris par les cordes puis les basses déclarent finalement victoire dans les derniers « Halleluja » couvrant deux octaves.

La sixième strophe est un duo pour la soprano et le ténor accompagnés du seul continuo. C'est une danse de joie et le mot Wonne (« joie ») est restitué par des figurations rappelant Purcell, l'« Halleluja » de fin sur des alternance de triolets et de duolet.

La première disposition en quatre parties de la dernière strophe est perdue mais celle qu'il ajouta en 1724 est « superbement entraînante » avec l'Halleluja chanté différemment à chaque fois.

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