Ces laudes royales étaient chantées non seulement à Reims mais dans toute la France, en Germanie, en Angleterre et même en Dalmatie. Elles étaient usuellement réservées autrefois aux cérémonies pontificales. Leur place traditionnelle se situe entre le chant des collectes et celui de l’épître, au début de la messe. Leur forme assez originale entremêle des acclamations triomphales (Christus vincit, Christus regnat, Christus ímperat ! – Le Christ vainc, le Christ règne, le Christ gouverne ! – Exaudi Christe ! – Exauce nous, ô Christ) avec des invocations litaniques à différents saints. On prie Dieu et on invoque les saints pour le Pape, le souverain, l’évêque du lieu, quelquefois pour la reine, ainsi que pour l’armée et ses chefs.
Ces Laudes regiæ – appelées aussi Acclamations carolingiennes, Laudes impériales, laudes épiscopales – dérivent d’acclamations impériales antiques : une lettre de saint Grégoire le Grand mentionne ainsi que l’empereur Phokas fut acclamé en l’an 603 par le clergé et tout le sénat dans la basilique Julienne par ces termes : “Exaudi, Christe ! Phocæ Augusto et Leontiæ Augustæ vita !”
Des acclamations similaires furent chantées au couronnement du bienheureux empereur Charlemagne comme empereur romain d’Occident le jour de Noël 800 : “Carolo piisimo Augusto a Deo coronato, magno, pacifico imperatori vita et victoria !” Le psautier gallican, dit de Charlemagne, du VIIIème donne toutefois le texte complet de ces acclamations carolingiennes, commençant par Christus vincit, très proche des différentes versions qui nous sont parvenues par la suite, et Charles n’y est encore acclamé que comme roi des Francs et des Lombards. Son texte est donc antérieur au couronnement de Charlemagne à la Noël 800 et a dû être rédigé entre 795 et 800.
Elles furent probablement chantées au sacre de son fils l’empereur Louis le Pieux, qui fut sacré par le Pape Etienne IV justement dans la cathédrale de Reims le 5 octobre 816, ce qui fut le premier sacre de l’histoire réalisé dans cette ville.
Par la suite, ces acclamations furent chantées non seulement aux sacres des rois de France mais encore aux couronnements de nombreux souverains européens, ainsi qu’à ceux des papes. A la messe du couronnement d’un pape, elles étaient alternées entre les diacres à l’autel et des secrétaires en chapes au milieu du chœur. Comme ailleurs, elles se placent entre la collecte et le chant de l’épître. Ces laudes papales ne commencent pas par Christus vincit (ce qui est une disposition fort primitive et antérieure à l’époque carolingienne).
La plupart des cathédrales de France les chantaient aux messes pontificales, au moins au principales fêtes de l’année. Celles de la cathédrale de Reims étaient fameuses. A Laon, l’évêque donnait de l’argent à ceux qui les avaient chantées. A Orléans, les enfants du chœur de la cathédrale les chantaient presque tous les jours de l’année avant la messe haute. Le clergé de la cathédrale Saint-Maurice de Vienne faisait chanter les acclamations par deux chevaliers qui faisait fonctions de chantres, entre la collecte et l’épître et à nouveau une version abrégée pendant la communion des fidèles. A Lyon aussi, ces laudes étaient chantées par six chevaliers, ou avocats, ou consuls capitouls. A Tours, c’était le cellerier qui remplissait cet office. A Elne et à Châlons, c’était le grand chantre, à Soissons, deux prêtres, à Laon et Rouen, deux chanoines, à Orléans, le sous-doyen du chapitre et le chefcier, à Paris – où on les appelait Triumphus, deux ou trois sous-diacres auxquels les enfants de chœur répondaient. Il existe de nombreuses versions, tant par le texte que par la musique, de ces acclamations, dont les paroles s’adaptaient naturellement au gré des circonstances. Un manuscrit messin nous conserve même une version traduite en grec des laudes qui durent être chantées à Metz entre le milieu de 879 et le commencement de 881.
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