Tenebræ factæ sunt – Victoria

Tomás Luis de Victoria

Tomás Luis de Victoria (en latin : Thomas Ludovicus a Victoria Abulensis), né à Sanchidrián (province d'Ávila) vers 1548 et mort le 27 août 16111 à Madrid, est un prêtre catholique, compositeur, maître de chapelle et organiste, le plus célèbre polyphoniste de la Renaissance espagnole. Ses nombreuses œuvres vocales se comptent par dizaines : 20 messes, plus 80 motets de 4 à 8 voix, plus de 80 hymnes, 16 magnificat, 2 passions...
Tout l'œuvre de Victoria appartient au genre de la musique vocale sacrée, soit 200 titres. Les deux seules compositions instrumentales parfois mentionnées sont d'attribution douteuse.

L’Officium Hebdomadæ Sanctæ a été composée et publiée à Rome en 1585, en faveur des célébrations de la Semaine Sainte. Cette œuvre est de nos jours considérée comme un des compositions les plus remarquables de Victoria avec son Officium Defunctorum (1605).
L'œuvre n'apparut pas brutalement. Les études récentes indiquent que le manuscrit 186 de la chapelle Sixtine était déjà en usage avant 1585, mais les compositions n'étaient pas identiques. On trouve que la publication manque surtout de quelques versets de la version du manuscrit. Selon la comparaison de Thomas Rive (1965), il est évident que Tomás Luis de Victoria révisait et remaniait sans cesse et jusqu'à la publication, par exemple un certain nombre de Lamentations. Son résultat, c'était une immense évolution de raffinement de l'œuvre bénéficiant de ses années de maturité.

Le prêtre de l'Oratoire ne laissa aucun commentaire au regard de cette publication, ni approbation ni préface dans ce livre de chant. Cela suggère que la composition avait été effectuée selon sa propre intention. Traditionnellement, on considérait que l'œuvre est dédiée à la Sainte Trinité en raison de la doxologie à la dernière strophe de l'hymne Vexilla Regis. Il est vrai que cette strophe se trouve à la page où la dédicace est normalement placée. Le musicologue Eugene Cramer demeure cependant prudent dans son livre sorti en 2017 : selon lui, il est vrai que cette dernière strophe de l'œuvre souligne la victoire de Jésus-Christ contre la mort ; non seulement ce qui structure cette œuvre, mais également une sincère manifestation de la foi de compositeur. Mais Cramer pense que cela ne suffit pas pour cette hypothèse de dédicace.

Quoi qu'il en soit, il s'agissait, pour le compositeur-prêtre espagnol, du point final de la vie à la ville éternelle. En effet, il quitta Rome à une date inconnue entre 1585 et 1587, et rentra en Espagne en faveur des services réservés à Marie d'Autriche.

L'œuvre est constituée de 37 pièces desquelles 33 furent composées pour cette publication. Si les offices de la Semaine Sainte existaient en chant monodique, par exemple en grégorien, Victoria remplaça un certain nombre de pièces en polyphonie afin d'améliorer la solennité de célébration. D'où le fait que la publication en 1585 ne se composait que de ses pièces en polyphonie tandis que furent entièrement supprimés les versets chantés par les célébrants en monodie.

En faveur des Jeudi Saint, Vendredi Saint et Samedi Saint, le compositeur fait chanter les Lamentations de Jérémie traditionnellement réservées aux matines. Si ces motets se commencent à 4 voix, le compositeur faisait évoluer sa musique, pour le refrain Ierusalem, Ierusalem, convertere ad Dominum Deum tuum (Jérusalem, Jérusalem, convertis-toi au Seigneur ton Dieu), avec une véritable amplification musicale jusqu'à 6 voix.
Ces Lamentations sont suivies d'une série des Tenebræ responsories à 4 voix. Il s'agit des nocturnus II (pièces IV - VI) et des nocturnus III (VII - IX). Si ces pièces restent plus modestes, leur composition fut effectuée avec soin, soit en C(cantus = soprano en voix de garçon)ATB, soit en CCAT (pour les deuxièmes répons). De surcroît, les troisièmes répons possèdent respectivement leur conclusion avec une structure développée ABCBAB au lieu de celle d'ABCB pour les deux premiers.
La caractéristique des deux Passions, du dimanche des Rameaux et du Vendredi saint, aussi restait humble. Le compositeur-prêtre lassait l'exécution aux solistes, à savoir prêtre en faveur de Jésus-Christ ainsi que quelques religieux. Donc, celui-ci se contentait que la plupart des Passions sont chantées en monodie selon la tradition. Comme les Passions composées tardivement, le chœur est chargé de chanter en tant que foule, c'est-à-dire le peuple juif ou les soldats romains du gouverneur. Cela crée un véritable effet dramatique.

Œuvre composée à Rome en faveur du Saint-Siège, ce dernier conserve toujours ce chef-d'œuvre de la Contre-Réforme pour la Semaine sainte. Les exécutants distingués se composent traditionnellement du Chœur de la chapelle Sixtine ainsi que de la Cappella Giuliagr.

Même au XXIe siècle, l'Officium Hebdomadæ Sanctæ demeure indispensable en faveur des célébrations solennelles, surtout au sein du Vatican. Ainsi, celle de la Semaine sainte en 2013 fut tenue avec le témoignage de cette musique de Victoria, en présence de nombreux cardinaux ayant participé au conclave.

Le Tenebrae factae sunt est l'oeuvre n°20, le répons V de la Feria sexta In Passione Domini, c'est-à-dire le Vendredi Saint, le jour de la Passion du Christ.

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