Christus factus est – Anerio

Felice Anerio

Né en 1560 et mort le 26 ou 27 septembre 1614, Felice Anerio est un compositeur Italien de la fin de la renaissance et du début de la période baroque. Il appartient à l'École romaine des compositeurs. Il est le frère aîné d'un autre compositeur important et légèrement plus moderniste de la même période, Giovanni Francesco Anerio.

Felice Anerio est né à Rome et y reste sa vie entière. Élève du maître de chapelle Nanini, il chante à la basilique Sainte-Marie-Majeure (sous sa direction à partir de 1571) comme soprano-garçon, puis à la « Cappella Giulia » du Vatican sous la direction de Giovanni Pierluigi da Palestrina, le tout de 1568 à 1577. À cette date, sa voix a mué et il commence à chanter haute-contre. Il est alors embauché à Saint-Louis des Français, autre église importante de Rome, jusqu'en 1584, d'abord sous la direction de Nanini, puis de Francesco Soriano à partir de 1581. Dans le même temps, il commence à composer, en particulier des madrigaux ; c'est l'une des quelques périodes de sa vie où il écrit de la musique profane. Il est probablement influencé par Luca Marenzio, qui est alors très connu et qui vit à Rome à l'époque où Anerio commence à composer.
En 1584, Anerio est nommé maestro di cappella (maître de chapelle) au Collegio degli Inglesi (un séminaire jésuite). Il démissionne de sa charge au bout d'un an. Il semble également avoir été maître de chœur dans une autre société, regroupant les principaux musiciens de Rome, appelée Vertuosa Compagnia dei Musici di Roma (littéralement : « Vertueuse compagnie des musiciens de Rome »). Ces différentes positions lui donnent de nombreuses occasions d'exercer ses talents de compositeur, la composition étant une des obligations du maître. Sont témoins de cette période ses canzonette, ses madrigaux, les chœurs d'une Passion chantée en italien (et non en latin), et déjà de la musique religieuse. En 1594, il succède à Palestrina en tant que compositeur officiel du chœur papal (la Chapelle Sixtine), qui est la position la plus en vue à Rome pour un compositeur. Ensuite, à partir de 1604, il dirige la musique de la chapelle du duc Giovanni Angelo Altemps, pour laquelle il écrit plusieurs œuvres, restées inédites.
En 1607 ou peu après, il devient prêtre (chemin de carrière habituel pour un compositeur d'église, à Rome, aussi bien qu'ailleurs en Europe). En même temps, avec Francesco Soriano, autre compositeur de l'école romaine qui a été son maître de chœur, il aide à réformer les répons du Graduel romain. Cette activité (d'abord confiée à Palestrina et Annibale Zoilo) est consécutive au Concile de Trente et à la Contre-Réforme catholique. Leur travail aboutit à l'édition dite « médicéenne » (Graduale de tempore, 1614-1615), qui affectera profondément le plain-chant, en particulier du point de vue rythmique.

Anerio est un compositeur issu de la grande tradition franco-flamande, qui a dominé l'Europe musicale dès le XVème siècle. En Italie, à l'époque d'Anerio, on la nomme la « prima pratica », par opposition avec la « seconda pratica », celle qui donne naissance à la musique qu'on appelle de nos jours « baroque ». Son contemporain Claudio Monteverdi (qui crée ces deux expressions) est un maître des deux pratiques. Anerio, quant à lui, a en grande partie utilisé, comme point de départ, le modèle post-tridentin donné par son prédécesseur Palestrina. Par sa maîtrise du langage musical polyphonique et des techniques d'écriture linéaire, il parvient à atteindre une réelle intensité expressive personnelle. Une certaine influence des mouvements modernistes italiens du nord est évidente - bien qu'elle soit atténuée chez lui - quand on regarde l'usage qu'il fait de doubles chœurs (l'écriture polychorale était la norme à Venise). Cette influence moderniste se manifeste aussi dans des passages homophoniques déclamatoires au rythme rapide et dans les épisodes mélodiques très dynamiques de la ligne de basse (influencée par la technique, encore en pleine maturation, de la monodie accompagnée, et bientôt, de la basse continue). En outre il aime aussi varier les effectifs employés, alternant au cours d'une même œuvre le grand chœur et les petits groupes de deux ou trois voix, autre trait moderniste des écoles du nord de l'Italie (ce trait est encore plus évident, par exemple, dans la musique de Monteverdi).
Dans ses dernières productions, l'influence de Viadana est évidente (ce dernier est le principal auteur à avoir, à cette époque, développé l'usage de la basse continue). Mais Anerio est toujours resté fidèle au modèle de Palestrina, dans son écriture mélodique et harmonique. Que l'on sache, il n'a écrit aucune musique purement instrumentale.

Le Christus factus est, peut-être son œuvre la plus connue, n'apparaît dans aucun des volumes de son œuvre publiés de son vivant ; la première source existante date de 1840 et toutes les autres en dérivent. Les touches harmoniques chromatiques ont peut-être été ajoutées par l'éditeur du XIXème siècle ; si non, Anerio y montre une influence du style madrigal baroque primitif que l'on ne retrouve pas chez Palestrina.

Aucun commentaire

You can be the first one to leave a comment.

Laisser un commentaire